Premier bilan de la Nuit Debout

nuit debout 2Aujourd’hui, les médias et les partis politiques concentrent leur attention principalement sur les déboires de Nuit Debout (vandalisme, violence, etc.). Comme ce discours sur la discipline et la sécurité est si récurrent, si prévisible et si contre-productif (à moins que leur but soit justement de décrédibiliser une initiative populaire plutôt que de l’aider à éviter ces déconvenues), cherchons plutôt à comprendre le fonctionnement de Nuit Debout et ses premiers faits d’armes.

Nuit Debout, c’est un mouvement populaire, citoyen et pacifique, présent depuis le 31 mars 2016 partout en France (mais surtout à Paris) et ayant pour but général « la convergence des luttes ». Comme le souligne le vidéaste Osons Causer, le mouvement est différent des autres mouvements sociaux. Il se distingue tout d’abord par sa forme. Sans leader et sans porte parole, il s’agit d’un rassemblement citoyen non suscité par les partis politiques ou les syndicats, parfois même en porte à faux avec eux, ce qui montre bien qu’il vient du « bas » plutôt que d’être porté par des intérêts organisés. Cela lui permet d’être soutenu par des acteurs très différents, tel que les vidéastes, la société civile, et surtout une multitude de citoyens qui espèrent autre chose que la politique représentative habituelle. En fait, le mouvement n’est pas complètement nouveau mais s’inscrit plutôt dans une forme particulière de mouvements; il y a 15 ans le penseur Miguel Benasayag évoquait déjà l’avènement de mouvements sociaux spontanés, prônant la résistance sans la prise de pouvoir (du contre pouvoir).

Son mode de diffusion de l’information est très horizontale, avec un large soutien populaire sur internet, à travers les réseaux sociaux, le site web du mouvement et la multitude d’articles (comme celui-ci) qui parlent du mouvement. Mais c’est avant tout sa présence physique sur tout le territoire qui fait sa force. Il suffit de lire le wiki des rassemblements pour se rendre compte à quel point Nuit Debout a déjà été fédérateur et générateur de vie sociale dans toute la France, de Lille à Marseille et de Nantes à Strasbourg. Quant à son mode de rassemblement, il est également assez atypique. Outre les commissions d’ordre logistique, différentes commissions parlementaires se réunissent quotidiennement pour débattre de thématiques larges et variées: commission Françafrique, féminisme et minorités de genre, climat/écologie, LGBT, Action, Démocratie sur place, Logement, Migrant, Education Populaire, Grève Générale, Economie politique, Constitution, Communication, Internationale, etc. Cela montre l’hétérogénéité des participants au mouvement et la diversité de la réflexion apportée.

Sur le fond, le mouvement apporte également son lot de nouveauté. Nuit debout permet le soutien d’autres mouvements sociaux (soutien à la grève des intermittents du spectacle, soutien aux syndicats dans leur lutte contre la loi du travail, soutien aux migrants,etc.). Nuit Debout met en place des projets collectifs, tel que la Radio debout, ou la biblio-debout, ou encore la gazette debout. De plus, Nuit Debout organise des assemblées générales libres et démocratiques qui ne représentent qu’elles mêmes, sans contrainte politique. C’est surement en cela que le mouvement est le plus novateur: les citoyens se responsabilisent et se sentent habilités d’une nouvelle légitimité, indépendamment de leurs statuts ou leur fonctions sociales.

Cette légitimité nouvelle permet de concevoir qu’en tant que simple citoyen et participant à Nuit Debout, les individus sont porteurs d’une vision du vivre ensemble, d’une vision de la société et qu’à ce titre ils sont libres et capables de s’exprimer sur des sujets sociaux, économiques, environnementaux, etc. Alors que le Printemps Arabe était surtout en opposition à un régime politique, ici il ne s’agit pas d’une destruction créatrice mais d’une construction sociale nouvelle, s’appuyant sur les mêmes valeurs que la république actuelle mais pour imaginer et vivre une organisation sociale différente.

Pour l’instant, ce n’est donc pas tant le contenu des discussions des commissions qu’il faut considérer, mais bien cette force libératrice et émancipatrice que le mouvement génère. Le succès du mouvement repose sur ce besoin tellement simple et pourtant si peu exploité de pouvoir débattre, réfléchir et pourquoi pas redéfinir ensemble les conditions de notre existence.

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